vendredi 20 mai 2011

ANISH KAPOOR à la gallerie Kamel Mennour

L'exposition personnelle « Almost Nothing » à la galerie Kamel Mennour a été l' occasion pour découvrir Anish Kapoor dans un environnement intime, loin de la foule accourue pour voir le Léviathan, son imposante sculpture pour Monumenta 2011, depuis peu au Grand Palais.
Il n'arrive en effet pas souvent que Kapoor expose ses œuvres à Paris.

À la galerie ce n' est pas la dimension de son travail qui surprend le visiteur,mais se dégage une étrange attirance empathique qui ne laisse pas indiffèrent même les plus sceptiques.
Dans cette exposition il a réuni un ensemble d'œuvres autour de l'idée du vide e de l'immatérialité, concepts récurrents depuis le milieu des années 1980. Son but est de donner une consistance à l'inconsistance, à ce qui échappe par nature à toute matérialisation. Pour cette raison sont exclues les Pigments Pieces qui l'ont rendu célèbre comme aussi les œuvres avec l'utilisation de la cire.
Si le langage du pigment apporte l'immédiateté intense et la présence, ses vides en sont l'envers. « Plus je vide plus il y en a .Vider c'est remplir », dit-il.

Tout d'abord, face à l'entrée on rencontre la premier sculpture. Non!Vous n'êtes pas devant à un jeux sur l'illusion optique proposé par la cité des sciences et industries, il s'agit bien de nSister un morceau de l'œuvre When I am pregnant., réalisée en 2005.

Elle se présente sous la forme d'une douce dépression dans le mur de forme circulaire. En l'observant en position frontale, comme nous sommes habitués à voir les œuvre d'art, nous ne voyons qu'un cercle en relief sur le mur blanc, une grosse bague, une espèce de nombril géant qui semble piégé dans la chaux. Mais si on bouge pour la voir latéralement on se rend compte que la surface est concave en donnant l'effet optique d'un mur qui semble respirer. Elle enferme le vide et trouble notre regard et sa logique.




Puis on a encontre un miroir Untitled, une œuvre de cet année jumelle de Turning the World Upside Down del 1995. Kapoor, là, se sert d'un miroir concave qui déforme et inverse tout ce qui se réfléchit en lui, en bouleversant nos habitudes sensorielles et en rompant avec la perspective monoculaire traditionnelle.
La surface du miroir paraît au premier abord vide, mais, en vérité, elle est pleine de tous le possibilités d'un monde qu'elle avale.
Ensuite un cube transparent en acrylique avec un jeu de miroirs le fait ressembler à la moitié de sa dimension réelle; il est impossible d'appréhender l'œuvre en son entier d'un seul regard. Enfin un carré noir au centre du mur blanc: difficile de dire s'il s'agit d'une peinture, d'une plaque superposée au mur ou d'un trou carré, c'est seulement en s' approchant à un millimètre de l'œuvre on peut voir qu' effectivement le cadre contient le vide.

La seule œuvre de l'expo qui a une dimension historique c'est "The Healing of Saint Thomas". Il s'agit d'un incision dans le mur, plaie dans l'intérieur a été tapissé de pigment rouge. Elle constitue une référence au thème catholique de l'incrédulité de Saint Thomas, la béance dans le corps du christ devenant ici une blessure dans la peau du bâtiment avec une claire référence à Lucio Fontana.

Spontanément, on a envie de plonger dans toutes ses œuvres et de s’y perdre, de mettre un pied, une jambe, une main dans les trous, rien que pour évaluer l’étendue de leur profondeur.
L'artiste cherche à faire participer le spectateur avec son corps et sa mémoire.





Il a embrassé l'héritage d'une longue histoire du vide. Ses manifestations classiques sont les nombreuses « absences » dans l'art moderne, du Carré noir 1915 de Kasimir Malevitch aux déchirures de Lucio Fontana, au bleu cosmique d'Yves Klein et à son Saut dans le vide 1960 et aux voiles teintés de Rothko culminant dans la chappelle de Huston .La nudité du vide met le soi à l'épreuve et c''est ce que Kapoor appelle «  nouveau sublime » : ses ambiguïtés perceptives poussent le spectateur à l'introspection au sens où les philosophes l'entendaient au XVIIIe siècle en découvrant une force supérieure qui nous permette de penser le sublime.

Ces pièces vides concernent le sobre et l'étrange, l'à moitié connu ou l'à moitié oublié , mais surtout impliquent le spectateur dans l'acte de voir qui est une thématique très importante pour Kapoor. L'artiste en effet ne cherche pas à s'exprimer comme nombre de ses contemporains mais à amener le spectateur à s'exprimer. Il prétend lui-même n'avoir rien à dire, estimant que sa raison d'être en tant qu' artiste est de découvrir l'impénétrable Vérité, une belle ambition je dirai...En effet l'artiste est à l'opposé du stéréotype romantique du créateur tourmenté, sa passion en retrait évoque la règle édictée par T.S. Eliot à propos de la neutralité de l'artiste: « plus l'artiste est parfait, plus complètement se sépareront en lui l'homme qui souffre et l'esprit qui crée, et plus sera parfaite la façon dont l'esprit absorbe et transmute les passions qui composent ses matériaux », et comme a admis Kapoor même : « Je dois dire que j'ai travaillé très dur pour me débarrasser de la main; j'ai toujours pensé que l'on surestime la main de l'artiste. »

Normalement je préfère personnellement les travaux qui sont le produit d'une expression subjective et intime de l'artiste, plutôt qu' un art universel et dépersonnalisé selon la conception minimaliste... peut être me suis-je arrêtée au romantisme et là je suis resté piégée.. Mais il y a quelque chose qui me frappe dans l'œuvre de Kapoor, qui m'appelle à entrer en contacte avec elle : peut-être la matérialité séduisante et attirante qui réveille mes sens, ou la curiosité et le défi de découvrir le concept arcane qui a inspiré l'œuvre.

Je crois que si on le considère comme l'un des plus grand artistes actuel, accueilli par le public comme une Star, c'est justement pour cette extraordinaire capacité de ses œuvres d'arriver à toucher n'importe qui, même sans une connaissance spécifique de l'art contemporain. Pour qualifier la première seconde de la rencontre avec une œuvre de Kapoor , avant la tentative d'explication, on peut faire référence à la notion d'admiration de Descartes : avant que le langage soit contraint à décrire la réaction intuitive du corps devant les formes, couleurs, surfaces et sons, il y a l'admiration. Pour Descartes, celle-ci advient lorsque l'on rencontre un objet « rare et par conséquent digne d'être forte considéré » :l'objet d'admiration, irréductible au déjà vu, aidera au bout du compte, à acquérir le savoir.



Esposition Anish Kapoor
Almost Nothing
12 mai- 23 juillet 2011
gallerie Kamel Mennour
Paris 75006 France




1 commentaire:

  1. Merci pour cet article. Intéressant, vraiment! En tout cas, cela donne envie d'en lire plus. Continuez comme cela. Je vais voir où est votre flux RSS pour l'installer sur ma page google et pouvoir suivre vos interventions. decoration murale

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